30 janvier 2007

Chaos debout

Petite surprise hier soir en m'amusant à regarder l'origine de mes visiteurs - Blogger n'offre pas de statistiques, je sais, c'est nul, mais j'ai trouvé plusieurs outils complémentaires pour pallier à cette déficience.

En fait de surprise, c'est la cerise sur le gâteau, non, la bombe sur le bunker : je suis référencé par le site officiel de la Demeure du Chaos.

C'est le début de la gloire.

29 janvier 2007

Ce n'est qu'un début / Continuons l'invasion

Oui, oui, je sais, vous attendez avec impatience la nouvelle chronique de Sammy ! Mais elle est presque finie-euh ! Yaka trouver le temps et Faut que je m'y mette... vous aussi vous connaissez ces fameux duettistes ?

En attendant, je fais un petit peu d'auto-promo et de compilation sur un thème qui me plait bien (non, non, ce n'est pas la synesthésie) : Space invader, ses mosaïques et les multiples déclinaisons que son travail a inspiré.

Je viens de tomber sur cet article (d'autres photos ici) et cela m'a rappelé que j'en avais parlé en août dernier, avant de constater que je n'étais pas le seul dans ce cas, Berlioz consacrant un article et un album au phénomène.

25 janvier 2007

L'autre qui écrit, chronique des bien justes contentements

Autant vous prévenir tout de suite : cette chronique sera tissée de fierté et d'autosatisfaction béate. Je ne vais parler que de ma petite personne et de mes joies égoïstes, les esprits chagrins sont prévenus, ils peuvent encore partir. Je m'accorde une petite séance de nombrilisme bien méritée, tel l'évadé d'Alcatraz qui voit miroiter l'eau de la baie de San Francisco après avoir creusé un tunnel aussi obscur que secret pendant ses 25 années d'isolement. Avec une petite cuillère. Il s'engage alors joyeusement dans l'eau calme du petit matin, et nage d'une brasse vigoureuse vers la liberté. En général, c'est à ce moment là qu'il découvre les requins.

Certains mails, certains textes plutôt réussis me font l'impression, quand je les relis quelques jours après pour me souvenir de quoi j'ai parlé afin de répondre à la réponse pour les premiers, ou en retombant dessus lors d'une crise de narcissisme par hasard pour les seconds, d'avoir été écrit par quelqu'un d'autre. Il m'arrive même de penser "waouh, c'est super bien !", avant de me souvenir que j'en suis l'auteur... C'est grave vous croyez ? Dites moi que je ne suis pas le seul dans cette situation. Et ne me dites rien dans le cas contraire, ne bouleversez pas mes fragiles illusions.

C'est d'ailleurs la meilleure manière que j'ai pu trouver pour me faire une idée à peu près correcte de mes productions : l'oubli. Oublier ce qui a été écrit et le redécouvrir avec l'oeil de celui qui le lit pour la première fois. C'est imparable et parfois cruel. Cela nécessite d'avoir du temps devant soi. L'idéal serait de ne rien publier avant d'avoir suffisamment laissé reposer. Comme pour les crêpes. Baudelaire a d'ailleurs très bien illustré la chose :
Dans une terre grasse et pleine d'escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde
Il a même pensé aux requins. C'est ce qui fait la marque du génie.

***

Il y a quelques semaines, j'ai reçu un mail de madame Brigitte Patient, de la radio suisse romande. Qui me demandait mon autorisation pour lire un de mes textes dans la chronique L'écrit du blog, qu'elle anime dans le cadre de l'émission Journal infime. Je relis plusieurs fois : on me demande mon autorisation pour parler de moi dans le poste ?! Vous pensez bien que je n'ai pas vraiment hésité...

Si se relire peut parfois faire un drôle d'effet, imaginez un peu ce que c'est que de s'entendre lire... Je viens donc de m'écouter (plusieurs fois de suite, mais je vous avais prévenus que je serai nombriliste), en ressentant le même plaisir à chaque fois. Brigitte Patient a une très jolie voix, et sait donner vie aux textes qu'elle lit -je ne suis pas aussi nombriliste que ça, j'ai écouté des extraits d'autres émissions- auxquels elle donne véritablement tout leur sens. Tu as raison Coumarine, il faut lire à voix haute de temps en temps, c'est ce qui donne vie à l'écrit.

Vous savez quoi ? C'est le genre de choses qui me donne envie d'aller vivre en Suisse...

***

Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps, je sais que vous mourez d'envie de savoir quel texte a eu les honneurs des ondes helvètes. Vous pouvez donc télécharger le fichier ici, et savourer (avec Real Player uniquement) vous aussi mon quart d'heure de gloire qui s'étale de la vingt-quatrième minute à la vingt-septième très précisément. Vous direz que c'est court pour un quart d'heure, mais les suisses sont des gens bien plus pressés qu'on ne l'imagine.

Circonstances exténuantes

Ca devait arriver. A trop différer la rédaction de ma nouvelle chronique, ma dernière participation à Paroles plurielles parait avant que je n'aie pu vous faire partager ma visite d'un grand musée tout entier rempli de petites choses... Tant pis, ça vous fera toujours de la lecture, et vous donnera matière à réflexion. Parce que cette consigne 38 ne manque pas d'originalité, jugez donc un peu : après avoir écouté autant de fois que nécessaire la chanson d'Hubert-Félix Théfaine "Confessions d'un never been", il s'agissait de s'en inspirer pour écrire un texte dont la première phrase serait les mots phares de la chanson : « J’ai volé mon âme à un clown… » avec pour consigne d’aller dans le décalé, le déjanté, le farfelu, l’hermétique… à l'instar d'un HFT présenté ainsi par Coumarine :

Les mots de Thiéfaine dans ses chansons sont de l’ordre 50/50
50% de mots qui veulent dire quelque chose, qui frappent, qui touchent, qui percutent
50% de mots en écriture volontairement hermétique, qui sont là pour la sonorité ou pour le fun

On ne saurait mieux dire. J'ai donc fait dans le décalé, l'hermétique, le presque poétique. J'ai eu beaucoup de mal à faire dans le déjanté. Comme dirait quelqu'un qui se reconnaîtra, il est difficile d'arriver à maintenir le même rythme endiablé de vocabulaire déjanté sur la totalité du texte, nous faut qu'on fasse des pauses à dire les choses bêtement morales ou logiques. C'est exactement ça. Mais il est temps que je vous laisse découvrir par vous même. La vidéo, c'est du bonus.


Les anges d'ammoniac des vapeurs sans clartés
Succombent au noir désir qui inspire des reproches
En suçant les glaçons qui inondent mes poches
Pour s'enfuir du bocal où l'espace s'est noyé.
Ca grésille, ça palpite, ça fusille et ça fume,
Tout finit par rêver dans un dernier soupir
Car la faux a sonné et ça pourrait être pire
Quand tes faux cils retombent sur mon marteau enclume.

J'ai volé mon âme à un clown
Lycanthrope dans la nuit du jardin orangé
J'ai volé mon âme à un clown
En criant sans syllabes l'amour irrégulier

Un léopard en string qui dévore sous la pluie,
Un saltimbanque pressé qui casse des coquilles,
Et puis enfin s'étire comme un voleur futile
Pour finir un travail qui n'a pas d'alibi.
Un champ d'algues cruel, archipel d'échos morts
Seulement visité de corbeaux lunatiques
Apprend à mieux mentir pour rester sympathique
Car voilà de la peur, la paie et le sale or.

J'ai volé mon âme à un clown
Puis j'ai dormi à mort, en espérant renaître
J'ai volé mon âme à un clown
Puis j'ai dormi toujours, pour enfin disparaître.

23 janvier 2007

Ils sont partout

Décidemment, les synesthètes me poursuivent. En voilà encore une !
Au fait... non, je ne suis pas synesthète !!! Mais j'ai quand même le droit d'en parler, non ?

22 janvier 2007

Pour saluer Henri Groues

Je rêve d'un Panthéon dont le fronton porterait, en lettres d'or : "Aux grands hommes qui ont ouvert leur gueule, l'humanité reconnaissante". Car ce qui compte dans la vie d'un homme, ce sont les actes. Ce que l'on fait, ou ce qu'on l'on tait ; les fois où l'on se lève, et celles où l'on détourne le regard. Toutes les fois où l'on ouvre sa gueule et remonte ses manches, fussent-elles de soutane. L'Abbé Pierre a dit vouloir que l'on marque sur sa tombe "Il a essayé d'aimer". Puissions nous aimer à moitié comme lui.

18 janvier 2007

Coup de fil âne, oh, Nîmes !

- Bonjour, alors voilà je suis stagiaire chez *biiiiip* et, alors voilà, nous faisons du prineutéduouaibe
- Pardon ?!
- Du print et du web
- [narquois] Vous pouvez répéter ?
- Euh... de l'impression et du... web
Alors voilà, je vous appelle pour savoir si je pourrais vous envoyer de la documentation sur notre entreprise
- Oui, bien sûr
- Vous pouvez me donner votre adresse s'il vous plait ?
- *biiiiip* [censuré] ;-)
- Vous avez un numéro de téléphone où je peux vous joindre directement ?
- Oui, vous faites le 30-18
- Ah bon, je fais 30 18 et je tombe directement sur vous ?!
- [silence consterné] Non, vous faites le numéro que vous venez de faire, mais avec 30-18 à la fin !
- Ah oui... pardon. Vous pouvez me donner votre nom ?
- Yannick *biiiiip*
- Deux S ou deux F ?
- [soupir] Deux S
- Y et... ?
- [épelle son nom plein de lettres qui donnent plein de points au scrabble]
- D'accord, merci au revoir
- Au revoir, bonne journée

Il a une belle carrière d'autiste comique lui...

***

J'adore ce boulot :-)

Vérité vraie ?

Je viens de lire ceci chez Fauvette...
J'ai bien envie de dire "c'est pas con", tiens... j'vais m'gêner ;-)
Auto-promo au passage, et hop !

Vérités désagréables

Il parait qu'un jour, on a enseigné la littérature à l'école... de toute façon, c'est bientôt fini...

17 janvier 2007

Chronique de la perfection douteuse

La scène se passe il y a quelques jours, en allant manger au restaurant de l'hôtel des impôts. La voiture arrêtée au feu rouge juste à ma gauche -une twingo pourrie aux occupants pas très nets non plus, un seul coup d'oeil me suffit pour en prendre note- commence à avancer par petits à coups pressés bien avant que le feu ne soit vert. Ce n'est pourtant l'affaire que de quelques secondes.

Son démarrage au rouge ne l'a pas avancé à grand chose, je suis déjà à sa hauteur (un conseil : oubliez le point mort, tenez l'embrayage...) ; c'est alors que notre admirable protagoniste décide de se rabattre, juste devant moi, (il a dû soudainement en avoir marre de rouler à gauche, ou alors la perspective de ne plus être devant moi lui a paru insupportable) et sans clignotants, évidemment. Je marque mon mécontentement d'un petit coup de klaxon bref (ce mot est inutilement comique ! mais avertisseur n'est pas terrible je trouve), histoire de lui rappeller qu'il n'est pas tout seul sur la route.

La civique réaction de l'intéressé ne se fait pas attendre. Son rétroviseur intérieur m'informe de son état d'esprit à mon égard, les gestes de son passager (qui semblent m'inviter à rechercher la compagnie de partenaires masculins, du moins est-ce ainsi que j'ai interprêté la chose) également. Il accélère brutalement, au risque de désintégrer son épave, pendant que ledit passager descend sa fenêtre et, d'un geste d'une perfection admirable, envoie sa clope sur mon pare brise. Sans se retourner. J'ai trouvé ça très fort.


Un autre qui est très fort aussi, c'est le nouveau cuisinier du restaurant des impôts. Cela faisait déjà quelques temps que la qualité se dégradait, mais il fait des progrès constant dans l'immangeable, et je tenais à lui rendre hommage. Les carottes, les courgettes, les haricots ne sont plus identifiables que par la vue ; pour ce qui est du goût, vous êtes priés de ne pas demander comment il fait pour obtenir ça, c'est un secret professionnel. Je ne peux même pas trouver de mots pour qualifier la chose. C'est tellement dégueulasse qu'il pourrait facilement travailler dans un hôpital. Ou à Air France. Un tel niveau de perfection dans l'immonde devrait pourtant être récompensé.

Sa dernière trouvaille surtout, mérite une mention spéciale. Cela consiste à mettre du nuoc mam dans la sauce salade, je ne sais pas si vous avez idée de ce que ça peut donner comme résultat... Avez-vous déjà humé l'odeur âcre qui se dégage des résidus de tonte de pelouse en décomposition ? Ca ressemble un peu à ça...

Il y a certaines perfections dont on se passe facilement...

16 janvier 2007

Le mot de la faim

En attendant la troisième chronique inspirée de mon séjour lyonnais (3 jours, 3 chroniques, normal), voici ma dernière production sur le blog-atelier d'écriture Paroles Plurielles, où je commence à prendre mes habitudes, malgré une absence sur deux consignes consécutives. Voilà ce que c'est que de prendre 3 semaines de vacances...

Un texte un peu moins "écrit" que les autres à mon sens, c'était surtout pour reprendre le fil de l'écriture. Je l'ai écrit assez vite, autour d'un clin d'oeil que je vous laisse découvrir, et le dernier jour encore...

L'incipit imposé était celui-ci : "Je suis un génie... et je suis modeste"


***

Je suis un génie... et je suis modeste. Je ne connais personne de plus intelligent que moi, c'est un fait. Encore ne suis-je pas seulement intelligent, je suis également un être raffiné. Il n'est jusqu'au meurtre que je ne commette avec délicatesse. A vrai dire je trouve mes confrères tellement ridicules, et les hommes en général tellement pitoyables...

Oui, c'est ça, approche toi encore un peu...

Personne n'est aussi intelligent que moi, c'est impossible. Et si ce petit flic m'a arrêté, c'est uniquement de la chance, rien de plus. Il est tout de même assez intelligent dans son genre, assez intelligent pour un homme normal je veux dire. Dès que je sortirai d'ici je l'inviterai à déjeuner pour le féliciter à ma façon. Il parait que c'est un homme de goût.

Encore un peu plus près... Montre moi ton cou, continue...

Mais quel dommage qu'il soit tellement impoli. Je ne peux pas tolérer le manque de courtoisie. Je devrais le féliciter, mais également lui apprendre la politesse. Il aurait dû se mêler de ses problèmes, pas des miens. Si je peux lui faire rentrer quelques principes dans le cerveau, je n'aurais peut-être pas totalement perdu mon temps.

Si seulement je pouvais bouger la tête...

Oui, je suis modeste, vraiment. Ils n'ont pas la moindre idée de mes facultés. Ils ont bien trop peur de moi pour m'appréhender dans ma complexité. Tout au plus suis-je un sujet d'étude pour quelques binoclards diplômés. Encore ne prennent-ils pas le risque de rentrer dans ma cellule.

C'est ça, continue de prendre des notes, mon agneau...

Ce n'est même pas une cellule, c'est une cage transparente à travers laquelle ils me questionnent. Ils aimeraient tellement me comprendre. Ils me filment, ils m'étudient, ils m'observent en permanence. Dix ans que je suis fermé dans cette cave. Je ne risque pas d'attraper un coup de soleil.

Ce morveux ne s'est pas lavé depuis combien de temps ? Il empeste l'écurie.

Je suis désentravé quelques heures par jour, avec deux gardes prêts à m'abattre si je bouge de mon lit. Ils sont tellement effrayés. J'en profite pour lire. Je suis un grand lecteur, il est vrai. De temps en temps, j'arrache une page et j'en fais un origami. Ca m'amuse beaucoup de les imaginer en train de chercher une signification à mes moindres gestes.

Hum, il a fait tomber un trombone sous le lit...

Je suis un génie, vraiment. Ce crétin de directeur qui vient me tourmenter tous les soirs me traite de génie du mal. Il ne comprend vraiment rien à rien. Lui aussi est invité à partager ma table, mais il ne le sait pas encore. Mais maintenant je sais que c'est pour très bientôt.

Une jeune femme doit me rendre visite aujourd'hui. Il parait qu'elle s'appelle Clarice...

12 janvier 2007

Chronique du chaos en sa demeure

Imaginez. C'est un matin, un matin comme tant d'autres. Les yeux encore embrumés des restes d'une trop courte nuit, vous ouvrez la fenêtre, votre fenêtre de cuisine par exemple, ou bien celle de la salle de bain, dans le but d'apporter la clarté, la chaleur et la vie dans cette pièce jusqu'alors plongée dans l'obscurité. Imaginez cette scène banale et quotidienne. Vous remontez le store ou poussez les volets, la tête encore pleine des songes du dernier sommeil et, faiblement éclairés par les premiers rayons d'un soleil oblique, seuls le chaos et la destruction habitent votre horizon endeuillé. Imaginez, imaginez vraiment, parce que vous n'êtes pas à l'abri d'une telle catastrophe.

Tous, nous sommes touchés par les malheurs du temps. Nous compatissons aux drames de l'époque, nous blâmons l'incurie des puissants, la guerre un peu partout, la folie humaine et le règne du chaos. Mais pas trop. L'Irak ? C'est loin. Hiroshima, c'est du passé. Le Liban, ce n'est pas notre problème. Nous avons l'information immédiate, l'émotion facile et la compassion différée. Puis un jour de septembre joyeux et ensoleillé, on voit deux tours de verre et d'acier qui s'écroulent en direct à la télévision. On voit les flammes, la fumée, la poussière. On voit le chaos par sa petite fenêtre. Jamais il n'a été aussi proche de nous. On sent la peur qui nous frôle et la mort qui exulte. Pendant quelques semaines, le monde s'inquiète, semble comprendre que la vie est brève et la sécurité illusoire. Puis tout se calme, tout s'apaise, les fumées s'évanouissent et les terreurs avec. On répare les dégâts, on enterre les morts, on commémore à date fixe. Tout rentre dans l'ordre. L'irruption du chaos ne peut être qu'éphémère.


Thierry Ehrmann lui, n'oublie pas. Certes, il était déjà excentrique avant, le millionnaire propriétaire du groupe Serveur et du site artprice. Cela faisait déjà quelques années qu'il transformait sa propriété de Saint-Romain-au-Mont-d'Or en happening artistique délirant et ésotérique. Mais le 11 septembre 2001 fut une révélation. Le monde ne veut pas voir le chaos ? La foule insoucieuse oublie un peu trop vite ? Il se charge de lui apporter le chaos à sa porte. De fait, grâce à l'activité d'un collectif d'artistes réunis sous l'égide de la salamandre, la propriété bourgeoise se transforme très vite en une gigantesque réduction des scènes de désolation évoquées plus haut, avec toutefois un grain de folie, la marque de l'emprise du champ de tous les possible, l'Art, qui trace la frontière essentielle entre la performance et la caricature.
Un espace à part, pris d’irréalité et en même temps submergé par le réalisme du chaos du monde.
C'est une véritable scène de guerre, un décor de catastrophe naturelle ou technologique, ou peut-être les deux à la fois. Le feu, qui ne peut détruire la salamandre, a laissé ses traces partout ; les pierres sont noircies et les décombres s'entassent. Des météorites ont enfoncé une partie du toit et du parking, du matériel de guerre tordu et calciné semble immobilisé à l'endroit où la destruction l'a saisi. Un peu partout, différentes installations sont venues agrémenter l'ensemble. Réplique de Ground Zero, bunker, inscriptions de Ben, piscine de sang... Tout cela est lugubre, sinistre, grinçant, morbide. Choquant surtout. D'autant plus que le cadre est celui d'une bourgade cossue et résidentielle proche de Lyon, d'à peine un millier d'habitants, posée en bord de Saône, dont ni vous ni moi n'aurions jamais entendu parler sans cette histoire.
Une oeuvre d'art qui ne dérange pas n'en est pas une.
Thierry Ehrmann
Car l'art peut choquer, et parfois l'art doit choquer. Olympia, Le déjeuner sur l'herbe, la maja desnuda, Madame Bovary, L'origine du monde, L'enterrement à Ornans ; les débuts du cubisme, Les fleurs du mal... rien de commun avec cette entreprise de déconstruction, mais nous n'avons aujourd'hui plus idée des scandales que provoquèrent ces oeuvres en leur temps. Aujourd'hui, le scandale est tout autre, et dépasse le champ de l'esthétique pour entrer dans celui du juridique. De procédure en procès, la Demeure du Chaos se trouve aujourd'hui menacée au mieux de mutilation, au pire de destruction (ce serait un comble) ; je ne vais pas m'attarder ici sur des questions juridiques (opposition entre respect du Code de l'urbanisme et statut de l'oeuvre d'art) par ailleurs totalement légitimes, je ne veux m'intéresser qu'à ce qu'elles ont de révélateur. Question d'époque ? Je ne pense pas. Le cas d'espèce est intéressant, et amène à se poser la question de la définition de l'oeuvre d'art, et par là même, celle de la place de l'Art dans la société, bien que je pense qu'un juge doit se trouver bien en peine d'apporter une réponse à cette problématique.


Mais il y a autre chose. La question qu'il faut se poser est celle de l'ampleur de l'affront fait à l'ordre des choses et à l'ordonnancement de nos petites certitudes rassurantes. Ici, tout ne devrait être que luxe, calme et volupté, alors que le chaos, c'est les autres, si vous m'autorisez ce double emprunt. C'est à mon sens cela que les adversaires de la Demeure du Chaos peuvent le moins pardonner à son instigateur. Nous mettre sous les yeux ce que l'on préferait (ne pas) voir à la télévision. Nous rappeler que nous vivons sous le règne du Chaos, mais aussi que l'art est une cathartis. C'est en déambulant autour de l'oeuvre interdite (au public) que j'ai compris. La Demeure du Chaos dépasse les bornes de l'inadmissible en nous donnant à voir le chaos tel qu'en lui même, bien loin des commémorations, des recueillements annuels et des monuments officiels. Vialatte regrettait déjà le manque d'enthousiasme des élus devant "la France avec des ailes, la Victoire avec des nichons pointus, des pyramides de casques, des faisceaux de baïonnettes, et des tas de choses allégoriques" [...] bref, "le grandiose". L'Art n'a aucune espèce d'importance, "Y s'en foutent. Y veulent leur poilu." (Battling le ténébreux, 1928)

La Demeure du Chaos est le plus sincère des monuments aux morts. Pas de patrie reconnaissante, pas de style rococo-militaire, ni d'exaltation guerrière, pas d'obus reconverti en pot de fleur ou en support pour barrière protégeant le monument d'une foule qui s'en détourne de toute façon. Pas de préférence pour tel massacre plutôt que pour tel autre. La Demeure du Chaos n'est pas une célébration du chaos, mais un oeil ouvert sur une réalité que nous travestissons pour nous rassurer. Elle nous montre les différents aspects que le chaos peut prendre, mais elle rend avant tout hommage aux morts de toutes les batailles, aux destructions causées par toutes les idéologies. A tous ceux qui sont morts pour rien. A tous ceux qui sont morts pour une idée qui n'était peut-être pas la leur. A tous ceux que le chaos a pris. Car le chaos est le produit de la folie des hommes.

L'Art est la seule folie raisonnable.

***

La demeure du chaos, ça fait un moment que ça me trottait dans la tête... merci à Delphine pour cette promenade inspiratrice !

11 janvier 2007

A propos de synesthésie

Pfff, ils sont nuls chez Yahoo ! Ils font un article sur un gamin surdoué capable d'effectuer une multiplication de 15 chiffres par 15 autres -n'essayez même pas- en associant des couleurs aux chiffres, et pas une seule fois le terme de synesthésie n'apparait. Ah, vraiment j'vous jure ! Heureusement que Sammy est là !

Qu'est ce qu'on ne ferait pas pour ressortir une vieille chronique !
...notez l'évolution au passage, je n'écrirais plus ce genre d'article aujourd'hui.

06 janvier 2007

Le zèbre, la bougie et le petit lapin, chronique des années heureuses

Un cercle à bavarois, ce n'est pas exactement la même chose qu'un moule à bavarois, une mandarine ce n'est pas une clémentine, et le réveillon ce n'est pas encore la nouvelle année. Mais Delphine elle, est unique. Ouf. Car j'ai passé le réveillon et un petit peu plus au pays du Saint Marcellin, en compagnie de quelques personnes bien sympathiques ; c'est une année qui commence bien. Cela faisait quelques temps que nous projetions de nous revoir, et le réveillon s'est presque imposé de lui-même.

Ca a débuté comme ça. Sortant du métro avec chapeau et bagages (je n'ai pas d'armes), je me dirige vers sa rue en cherchant du regard aussi loin que mes yeux peuvent porter, et je ne la vois pas... alors qu'elle est juste là, à peine à 10 mètres devant moi, au bout du trottoir. Les publicités pour les dentifrices alliant l'éclat à la blancheur ont dû faire bien pâle figure à côté de nos sourires respectifs. Et ça fait comme une douce chaleur, on est de nouveau ensemble, on est bien, on pourrait rester sans rien se dire parce qu'on se comprend d'un regard, mais déjà les paroles fusent et le dialogue se poursuit, toujours aussi spontané et sincère.

Avec des sujets de conversation de haute volée, à deux, à trois, puis à huit. La façon d'accompagner les huîtres, comment préparer le foie gras, assortir les vins et apprécier le fromage, l'art de la semoule et la confection des desserts chocolato-crémo-rhumesque. Que l'on verse dans un cercle à bavarois avant de l'enfrigoter. Du verbe enfrigoter, mettre au frigo pour faire durcir. Ou dans un moule à bavarois, même si ce n'est pas exactement la même chose. Et ce n'est pas Bruno qui me dira le contraire. Surtout pour ce qui concerne la partie démoulage de la chose... Je te rassure tout de suite, tu as triomphé de cette adversité avec goût et imagination !


La fin de la nuit s'est déroulée dans une ambiance bon enfant, autour de quelques jeux de tables amusant, d'énigmes pas si faciles que ça et d'un échange de cadeaux rigolos. Je ne savais pas que l'on s'offrait des cadeaux pour la nouvelle année, et la consigne était "moins de deux euros !" Ah. Bon. Seulement voilà, soit je ne comprend jamais rien (c'est tout à fait envisageable), soit nous nous trouvons dans un des rares cas où nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde avec Delphine, mais j'avais interprêté ça par "un cadeau à moins de 2 euros par personne" alors qu'il fallait comprendre "un cadeau à moins de 2 euros pour tout le monde" J'avoue que j'ai du mal à imaginer ce que l'on peut trouver comme cadeau pour 8 personnes à deux euros... De toute façon, d'autres avaient certes mieux compris que moi, mais avaient malgré tout passé outre, tenant le même raisonnement. C'est ainsi que j'ai gagné de ravissants et inutiles objets qui donnent son titre à cette chronique et que je vais garder précieusement, mais où ? Il faudra que je fasse une "Chronique des appartements de 30m² plein comme un oeuf" un de ces jours...

Un cercle à bavarois, ce n'est pas exactement la même chose qu'un moule à bavarois, mais c'est un détail sans importance. L'amour, l'amitié, et les années heureuses sont les seules choses vraiment nécessaires.
Bonne année à tous !