28 septembre 2007

Les comprachicos

Pour la consigne 54 de Paroles Plurielles, j'aime autant vous le dire tout de suite que je ne me suis pas foulé, puisque j'ai piqué mon idée sur un certain Go, Victoru de son prénom. Il a écrit il y a quelque temps un petit roman, intitulé L'homme qui rit, et je me suis inspiré d'un passage du début de celui-ci pour répondre à la consigne de Coumarine : la photo de 3 bouteilles et l'incipit : "Je lui ai dit de se taire"


Je lui ai dit de se taire. La tempête faisait suffisamment de vacarme pour me ralentir dans ma tâche, et de toute façon l'heure n'était plus aux discours. L'imbécile n'avait jamais pris la mer, il n'était pas même assez intelligent pour voir le péril qui nous menaçait. Ce bateau ne gagnerait jamais la France, encore moins l'Espagne, et nulle autre terre de ce monde ci. Cette nuit serait notre dernière nuit, cette mer notre linceul, et notre mort un juste châtiment.

Je lui ai dit de se taire, j'avais besoin de me concentrer. Ce n'est déjà pas chose aisée de tenir la plume au milieu de l'ouragan, mais mon âge avancé et la faible lumière ne m'aident pas. Par tous les diables de l'enfer, que ma main ne tremble point au moment où je couche sur le vélin la vérité sur cet enfant que nous avons tout à l'heure abandonné à son sort, sur cet ange au sourire de démon que nous avons fabriqué.

Si elles ne se sont pas brisées avant, je glisserai tout à l'heure ce parchemin dans la plus petite de ces trois bouteilles ; elle est trapue, ronde et noircie par les ans et les embruns, je trouve qu'elle me ressemble un peu. C'est la bouteille d'Hardquanonne le flamand, une fripouille de la pire espèce qui pourrit pour l'heure dans le donjon de Chatham.

La tempête s'est arrêtée mais l'eau est dans la cale. Nous n'avons plus de pompes, plus de voiles et plus de mat. Le vent ne souffle plus et les étoiles ont disparu du ciel. Nous avons allégé le navire, mais je sais que nous serons morts avant l'arrivée d'un nouveau jour. Et puisque nous ne pouvons plus rien jeter à la mer, confions lui au moins l'aveu de notre crime.

24 septembre 2007

Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, alors tais toi

Marcel Marceau par lui-même,
image récupérée chez P.Assouline


... une minute de silence en l'honneur du mime Marceau ?

20 septembre 2007

Chronique du crocodaïl

Ce blog est de plus en plus de moins en moins mis à jour. Jamais il n'aura aussi bien porté son nom - chroniques chaque jour de plus en plus du jour d'après. C'est de plus en plus de moins en moins tôt que j'écris mes petits avis, mes petits coups d'oeil, mes petites chroniques sur ceci ou sur cela. Non pas que je fasse de plus en plus de moins en moins de choses dans ma vie. Oh que non, j'en fais au contraire de plus en plus ; de plus en plus d'activités, de sorties, de découvertes. De plus en plus de moins en moins seul. De moins en moins rêveur, de plus en plus amoureux.

Tenez, un exemple parmi d'autres : le concert de rentrée de Dijon. C'était le 7 septembre. Il y a 15 jours donc. De plus en plus tard, de plus en plus du jour d'après. C'est bien ce que je disais. Au moins ai-je de plus en plus raison, ou de moins en moins tort, c'est comme vous voulez.

Vous vous souvenez sans doute de mon brillant compte-rendu de celui de l'année dernière - car je suis de plus en plus de moins en moins modeste. Vous ne vous attendiez tout de même pas à ce que je refasse le même texte cette année ? C'est que je suis de plus en plus de moins en moins courageux, faut pas croire. D'ailleurs nous fûmes sur place à peu près une heure après l'heure à laquelle j'arrivai l'an dernier. De moins en moins pressés, de plus en plus amoureux.

Je suis de plus en plus de moins en moins con, de moins en moins convaincu que nous avons bien fait d'arriver aussi tôt, d'arriver aussitôt après manger. (respirez lentement et relisez cette phrase à voix haute, ça va venir vous verrez) Car, malgré tout le respect que j'ai pour l'Art, la difficulté de sa pratique, la facilité de sa critique et les mérites certains de ceux qui s'y adonnent avec ferveur, les deux premiers groupes qui se succédèrent sur la scène n'eurent pas l'heur d'imprimer une assez forte impression sur mon cortex pour que je puisse en dire quelque chose. Je pourrais à la rigueur en dire du mal, mais j'ai une réputation de gentil à tenir, et Chérie de moi en serait toute chagrine.

La foule dispersée et babillarde qui nous environnait semblait d'ailleurs de cet avis. De plus en plus de moins en moins attentive à ce qui se passait là bas, sur la scène. Jusqu'à ce qu'arrive le tour, le tournant du spectacle, le tour de chant de Jacques Higelin. La foule se resserre, se ramasse, se fait de plus en plus dense et entre dans la danse des mots de l'illuminant illuminé passeur de songes. Rêveur éveillé, passant baudelairien attentif aux détails de la vie, tout l'inspire et chez lui respire, respire le rock, le rêve, la folie douce. Higelin est ici et ailleurs, sur scène mais à l'écoute du public, dans la chanson et dans son trip, érotique, politique, caustique, tissant les mots, disant ses maux, tirant en longueur la chanson, tirant le diable par ses cornes, tirant à boulets rouges sur la télé, sur Georges Bush, sur le pouvoir qui pervertit la politique, sur tous les engraisseurs de porcs qui nous sucent le cortex. Tirant la queue du crocodaïl.




On est de plus en plus de moins en moins con
sidérés comme
des êtres humains à part entière

Etres humains à part entière, méfiez-vous des eaux troubles, méfiez-vous des crocodaïls qui vous sucent le cortex. Ne vous fiez pas aux apparences, écoutez les poètes. Même si ils sont un peu déjantés.

Surtout si ils sont un peu déjantés.

***

Pour aller plus loin : interview de Jacques Higelin

15 septembre 2007

Chronique des coups de ballet

La semaine passée, c'était les Fêtes de la vigne à Dijon. Les 59èmes pour être exact, mais ce n'est pas une précision très importante. D'ailleurs 60 est un chiffre plus joli, je tâcherai donc de vous entretenir du même sujet lors de la prochaine édition de cet évènement. Evènement que j'avais consciencieusement raté jusqu'alors, ce qui n'est pas le cas des dijonnais, qui se pressent en foule, comme à leur habitude, aux événements culturels (et gratuits) qui envahissent l'espace de la chaussée habituellement dévolu aux voitures.

Car tout commence par un défilé. Des barrières, des gens derrière, d'autres en costume, marchant au rythme de la musique. Des bougnats en sabots, des grelots ici ou là, des tissus colorés un peu partout, et des fanfreluches diverses. Des robes, des bottes cavalières, des chapeaux. Beaucoup de bonnets. Certains couverts de plumes, d'écailles, de trucs qui brillent. D'autres en poils, comme ceux de ces types en uniforme napoléonien, sûrement les mêmes que ceux déjà vus un an plus tôt, et puis c'est tout, on arrive quand c'est fini, les grognards fermaient la marche. Le temps de franchir la barrière, traverser quelques rues toutes entières livrées aux piétons, et on retrouve la tête du serpent défilant avant qu'il n'achève son parcours place de la Libération.

La suite se passera sur une estrade Place du Bareuzai (que les gens pas d'ici s'obstinent à appeler place François Rude) où quelques groupes se succèderont lors de prestations de 10 à 20 minutes, au cours desquelles l'on retrouve quelques connaissances : Enfants du Morvan, toujours aussi prompts à déclencher un ban bourguignon, Compagnons du Bareuzai et autres représentants de la fière commune de Varois et Chaignot (si, si, ça existe). De non moins fiers représentant du Portugal, du Brésil, de Chine et d'ailleurs viennent s'intercaler, avec plumes, sabots, écailles, et bottes évoqués plus haut.

Les talons font résonner le bois de l'estrade, la foule tape frénétiquement dans ses mains, certains en rythme, Sammy à contretemps, la buvette ne désemplit pas et un petit blondinet devant nous tente de tromper son ennui en usant de deux gobelets comme de cymbales improvisées. Bref, tout le monde participe. Car les fêtes de la vigne, qui mettent à l'honneur un folklore parfois décrié, mais visiblement toujours plébiscité, marquent également le début des vendanges. D'où le nom en rapport avec la vigne. Il n'y a pas de hasard.




L'Afrique du Sud a gagné le prix du public, Cuba et la Roumanie la médaille d'or du festival ; Panama n'a eu que la médaille d'argent, mais, de ceux que nous avons vu, c'est le ballet que nous avons préféré. Robes à frou frou et souliers plats s'allient pour une danse sensuelle et colorée. Les robes virevoltent, les danseurs s'éloignent et se rapprochent, les visages se frôlent, c'est toute la parade de l'amour et le jeu de la séduction qui sont ainsi rejoués au travers de cette danse.

La musique, les couleurs et l'amour. Tout cela valait bien une chronique non ?