25 novembre 2009

Glander ou glaner ? Chronique du d, de Poe et de la sérendipité heureuse

Je me faisais hier la réflexion qu'il n'y a qu'un petit "d" de différence entre glaner et glander, et que sur internet, dans le domaine des blogs en particulier, c'est une lettre, ou plutôt un état d'esprit, qui peut mener à des résultats assez intéressants.

Je laisse à d'autres l'emploi de mots compliqués tels que procrastination ou sérendipité, encore que si le premier est employé à tort et à travers sur de nombreux blogs, le second n'est pas pour me déplaire. Francis Pisani nous explique qu'il donne à cet anglicisme le sens de "hasards heureux", et indique comment et pourquoi favoriser le plus possible leur survenue, notamment en pratiquant ce qu'il appelle le "ricochet virtuel".

Voilà une expression particulièrement heureuse ! Que de fois fois n'ai-je pratiqué le ricochet virtuel sans le savoir ? Grâce à Francis Pisani, je le ferai désormais en pleine connaissance de cause. Je sérendipiterai intelligent, tout en continuant à massacrer la langue française, bien sûr.

Et tout en manipulant des concepts qui me dépassent. Mais si je n'avais pas cette ambition, je n'aurais pas de blog.

Mais trève de digressions, parlons un peu du sujet qui motivait l'écriture de cette chronique, avant que je ne m'égare (de l'Est) avec ces deux notions légèrement snob : connaissez-vous Edgar Allan Poe ? Oui, bien sûr, sinon vous ne seriez pas là. (je flatte, mais c'est pour que continuiiez de procrastiner en ma compagnie)

Tandis que je procrastinais comme un beau diable en cliquant mollement sur les images défilant dans le nouveau Netvibes Wasabi, je suis tombé -par un hasard heureux- sur une image qui a déclenché toute une série de ricochets virtuels. J'en ai le cerveau encore tout éclaboussé.



Comme vous connaissez Poe, cette gravure doit immédiatement vous évoquer quelque chose, non ? Un indice : la traduction de la phrase sous l'image donne ceci "Le bateau semblait suspendu comme par magie, à mi-chemin de sa chute, sur la surface intérieure d’un entonnoir". Ca y est, vous y êtes ? Il s'agit bien entendu d'une illustration pour La descente dans le maëlstrom.

C'est là que je me suis mis à faire des ricochets sérendipitesques dans tous les sens. J'ai commencé par trouver la page Flickr d'origine, et Flickr, pour les procrastineurs en quête de sérendipité, c'est le nirvana. La première chose qui saute aux yeux, c'est que nous avons sans doute là l'intégralité du travail d'un certain Harry Clarke sur Poe ; la seconde, c'est qu'il avait beaucoup de talent.


"Pour l'amour de Dieu, Montresor ! Oui -dis-je-, pour l'amour de Dieu"
La barrique d'amontillado

Le propriétaire de cette page Flickr a un blog, A journey round my skull, joyeusement sous-titré "Unhealthy book fetishism from a reader, collector, and amateur historian of forgotten literature. Recent obsessions: illustration and graphic design." Ce qui peut se traduire de la façon suivante : "Fétichisme malsain d'un lecteur, collectionneur et historien amateur de littérature oubliée. Obsessions récentes: l'illustration et le design graphique". (Allez sérendipicrastiner du côté de Google traduction, l'affichage des résultats au fur et à mesure que vous taperez la phrase d'origine vous fera comprendre pourquoi il ne sert désormais plus à rien d'apprendre les langues étrangères)

Il va sans dire que ce titre m'a intrigué. J'ai donc cherché (deuxième ricochet) d'où il pouvait bien tenir son origine. Bien m'en a pris, j'ai ajouté un nouvel élément à cette pyramide de choses qui me feront me coucher moins sot ce soir : Voyage autour de mon crâne est un roman de Frigyes Karinthy, écrivain hongrois comme son nom l'indique, qui raconte comment les trains qu'il entend dans sa tête sont le premier symptome de sa tumeur au cerveau. Il en sera opéré, avec succès (en 1936 !) et mourra bêtement deux ans plus tard.

Une telle histoire valait bien la peine d'être découverte non ?


En moi tu existais, — et vois dans ma mort, vois par cette image qui est la tienne,
comme tu t’es radicalement assassiné toi-même !
 William Wilson 


Sentant qu'il fallait battre le ricochet pendant qu'il était chaud, je décidai alors de faire un sérendipas de côté, pour en savoir plus sur Harry Clarke. A ma grande surprise, ma première découverte a été d'apprendre que la Wikipédia française n'a pas d'entrée sur lui. Mais la richesse du web, c'est justement qu'il existe toujours un passionné de quelqu'un ou de quelque chose, et donc une page en rapport. Le chouette site de Rocbo m'a confirmé cette règle une fois encore.

Page du site Rocbo.chez-alice.fr consacrée à Harry Clarke

Clarke (1889-1931) n'est pas seulement illustrateur, il est avant tout maître verrier. Son dada, ce sont les vitraux. Ses illustrations de Poe et d'Andersen, c'était pour passer le temps. Une sorte de sérendipité de luxe finalement.


"...jeté profondément, bien profondément, et pour toujours, dans une fosse ordinaire et sans nom"
L'ensevelissement prématuré - et son bonus pour les sérendipiditeurs acharnés

Il n'y a qu'un petit d de différence entre glaner et glander. La sérendipité n'est que le luxe des curieux.

2 commentaires:

  1. Je découvre ta façon de massacrer le français, en toute sérendipitude, et j'adhère, par ici la glande heureuse est une glaneuse, je reviendrai;)

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