26 mai 2010

Accident de la consommation

Il a environ quatre ans, deux grands yeux innocents, une tête blonde n'arrivant pas plus haut que l'épaule de son papa accroupi à côté de lui, et beaucoup d'espoirs qui seront bientôt déçus par l'effort conjugué de la coupe du monde de football, d'une grande surface, et d'un zeste d'inattention paternelle.

Mais reprenons cette historiette a son commencement.

La coupe du monde qui s'annonce, hormis nous polluer l'été sous ses remugles footbalistiques, rend encore plus insupportable la corvée rituelle des courses, en se surimprimant au décor consumériste, à grand renfort de marketing et d'opérations promotionnelles diverses.

Ainsi les magasins Croisement(1), non content d'espérer la défaite des bleus, organisent-ils un jeu indexé sur la valeur ou la qualité des produits achetés ; selon un barême que j'ignore, on se voit attribuer après passage en caisse un certain nombre de figurines aimantées, présentées dans un emballage plastique très développement durable(2) contenant également un petit papier où figure un code barre, à flasher soi-même(3) devant une borne facilement repérable grâce aux nombreux chariots attirés par l'espoir insensé de gagner un T-shirt aux couleurs de l'équipe de France, un porte clé Estelle Denis qui fait pouet, les chaussures de Raymond Domenech, ou le sifflet officiel de l'arbitre ; ou peut-être même, pour les plus chanceux, un bon d'achat qui leur permettra de revenir jouer demain.



Ce jour là, comme j'étais passablement en retard et donc plus à ça près, je décidai d'éprouver ma chance et ma patience en m'insérant dans la file des chariots encalminés devant l'écueil. Je ne savais alors pas que je m'approchai du drame.

Le papa, que nous avons précédemment décrit comme accroupi, est en train de fouiller dans le carton servant de réceptacle aux tickets perdants. Je comprends la situation et reconstitue l'histoire au fur et à mesure que j'arrive à leur hauteur ; le règlement, aussi strict que mal expliqué, prévoit que le ticket gagnant doit être présenté à l'accueil. La machine délivrant un autre ticket (il y a une fente sous l'écran), papa a jeté le code barre salvateur.

Damnation : plus ce Sisyphe de supermarché fouille dans sa boîte, plus la vague de chariots l'encerclant vient rajouter de tickets invalidés. Il abandonne ses efforts pourtant méritoires peu après que j'ai passé mes propres tickets, bien sûrs perdant. Je m'éloigne en louvoyant entre les nouveaux candidats alors qu'il explique au bambin que le merveilleux cadeau qu'il pensait déjà tenir de ses petits doigts potelés, c'est rapé.

Je ne verrai pas le drame s'accomplir.

Épilogue :

L'autre jour, à la boulangerie, comme j'achetai, pour pallier à l'absence d'une baguette normale, un de ces pains copyrightés genre campanillette ou autre appellation fleurant bon la campagne telle que se l'imaginent les publicitaires, j'ai eu droit à une carte à gratter.

J'ai gagné un calepin. J'en tirai un plaisir extrême. C'est tout de même plus utile qu'un T-shirt aux couleurs de l'équipe de France, un porte clé Estelle Denis qui fait pouet, les chaussures de Raymond Domenech, ou le sifflet officiel de l'arbitre...

***

(1) le nom de cette grande surface positiviste a été habilement maquillé pour ne pas lui faire de publicité. Sauras-tu la reconnaître, habile lecteur ?
(2) mais la mode est actuellement au bleu, pas au vert
(3) avis aux clients : vous pouvez aussi rentrer le code barre sur internet, c'est écrit en tout petit sur le ticket...
(4) jetez un œil à la pub, elle vaut le détour. Je suis au moins rassuré de ne pas être le seul à avoir été intrigué ; mais je m'étais dit que j'avais l'esprit mal placé

24 mai 2010

Polémique musicale du lundi : Viva la vida / Coldplay

Un petit Coldplay pour bien commencer la semaine ?


J'aime beaucoup cette chanson, c'est le genre d'air qui reste longtemps dans la tête.

D'ailleurs, je ne croyais pas si bien dire en commençant à écrire cet article ; regardez ce que j'ai trouvé :


Loin de moi l'idée d'alimenter la polémique, je suis pleinement conscient qu'entre le remix, le plagiat, l'inspiration plus ou moins consciente et l'hommage, les frontières sont souvent très minces ; tout au plus une question d'appréciation. 

Est-ce forcément à un juge de trancher ? A vrai dire, le sujet est très sensible... Lisez donc cet excellent récapitulatif dressé par Lionel Maurel, sur son non moins excellent blog S.I.Lex : Un plaisir toujours coupable : le mashup 

20 mai 2010

Ménage de printemps

Peut-être l'avez-vous remarqué, ou peut-être ne l'avez-vous pas remarqué, mais ça sent le neuf sur ce bon vieux blog de Sammy, le changement d'habillage n'étant que la partie la plus visible de ces transformations, qui  m'ont demandées un peu de travail.


Jugez par vous-même : j'ai ralingué les boutargues, drissé les étancoules, afouraillé les fibroches et rencroné les cormolants qui commencaient à valtoguer, avant de chiboucler les rapiots, agrandir le petit cormac et raccourcir le grand rabouliot ; et encore, ce n'était rien à côté de la micardière, dont le tripolant a été complétement débrogué et les fibroines déclatopées, mais vous l'aurez sans doute constaté par vous-même, je pense que c'est assez visible.


Par contre, et malgré plusieurs avis contraires, j'ai gardé mon vieux crasatin, un mécanisme génial, que beaucoup aujourd'hui échangent contre de tristes pigontiers, alors que ceux-ci ont des affélures en bicarde et des foupanières en tanite, tandis que l'ancien système, comme le sait tout un chacun, est entièrement monté en arpochon, avec un incroyable contre-balancier en zigraste. Mais j'ai bien conscience que c'est essentiellement une question de goût.


Assez parlé de technique, je sais bien que ça n'intéresse pas tout le monde. Pour le confort des visiteurs, je me suis déciddé à installer un raponiot et, même si j'étais d'abord réfractaire à cette idée, je dois convenir que ça rend plutôt bien, ne serait-ce que parce que ça augmente la pérodacèle du mitolan, ce qui est plutôt flatteur pour l'oeil.


Il y a encore, de-ci de-là, quelques autres changements mineurs, mais je vous laisse les découvrir par vous-même !


Bon blog à tous ! 


(Et n'oubliez pas votre pidacrèle en sortant, j'en récupère au moins cinq chaque semaine)

11 mai 2010

La fantasy chronique de Frank Frazetta

J'ai appris tout à l'heure, via Maëster, la mort, et donc l'existence rétrospective, de Frank Frazetta (1928-2010). Comme il a eu le bon goût de fournir des liens avec son dessin, j'ai pu commencer à réparer cette lacune dans ma culture générale.


Comme le laisse entendre Le comptoir de la BD, Frank Frazetta faisait partie de ces artistes dont l'œuvre, intégrée par la culture populaire, copiée, imitée, reproduite, est largement connue et diffusée sans que son créateur ne soit connu d'un large public. Un coup d'œil rapide sur sa production pourrait d'ailleurs le réduire à l'illustrateur attitré de Conan (avant d'être un film, c'était un livre), mais il n'en est rien.


Même si les gros musclés accompagnés d'amazones court vêtues sont sa marque de fabrique, il n'en demeure pas moins l'un des grand illustrateur de la fantasy et de la science-fiction au sens le plus large. 

Illustration pour Edgar Rice Burroughs 

Il a ainsi donné sa propre vision de Edgar Rice Burroughs, de Tolkien, de Vampirella, du space opera à la StarWars... Outre le barbare, un des thèmes récurrent de son œuvre est  la femme accompagnée de fauves, séductrice et dangereuse. Il serait dommage de le réduire tantôt à Conan le barbare, tantôt à The Death Dealer, qui semble toutefois être son personnage fétiche.

Illustration pour Tolkien

 The Death Dealer

Il a produit également quelques dessins plus légers, dont certains ne manquent pas d'humour, des nus très académiques, et quantité d'autres dessins et peintures couvrant de nombreux thèmes, mais avec une préférence marquée pour les mondes de l'imaginaire.


C'est désagréable de découvrir un artiste uniquement parce qu'il est mort. Mais c'est moins pire que de ne pas le découvrir du tout. J'espère que je n'aurais pas été le seul à apprendre quelque chose aujourd'hui.

 Autoportrait - 1962


Pour aller plus loin :

- Le comptoir de la BD, toute l'actu de la bande-dessinée
- http://frankfrazetta.org/, un beau site perso rassemblant des illustrations de Frazetta rangées par thème, la plupart de celles de cet article viennent d'ici et du site suivant
- La page Frank Frazetta sur The Art History Archive
- Le blog de l'illustrateur David Vicente

Un quart d'heure de gloire tous les matins

Feedly, cette extension Firefox qui permet d'afficher ses flux en page d'accueil dans un format magazine, est décidément une bien belle chose, en ce qu'elle permet de cultiver ma sérendipité. Sans rentrer dans les détails de cette merveille qui m'a fait abandonner mon cher Netvibes, disons simplement que ses possibilités de suggestions en fonction du thème de ce que vous êtes en train de lire sont assez sympas.

C'est ainsi que je suis tombé sur ce tweet de @DecouvrirParis,

qui m'a conduit au site en question, qu'il n'est dès lors plus besoin de présenter davantage : un parisien, qui se prend en photo, tous les matins. A 09h09. Pourquoi 09h09 ? Sans doute parce que c'est l'heure à laquelle il a publié son premier message.


Dès le deuxième, le monsieur s'interroge : tiendra t-il longtemps cette contrainte ? 2810 clichés plus tard, on peut  considérer que la réponse est positive.


En voyant ces photos, outre la légitime interrogation sur l'utilité de la chose (mais un blog étant par nature futile, il n'y a là qu'un côté paroxystique dans l'inutilité), et passé le sentiment d'admiration devant une telle ténacité, je me demande dans quelle mesure ces photos sont sincères, et dans quelles mesures elles résultent d'une mise en scène. 


Cependant, en parcourant le site au hasard, on comprend très vite qu'il habite vraiment Paris, qu'il a un goût certain pour les chemises improbables et qu'il est certainement ambidextre. Ces quelques éléménts mis à part, on ne saura pas grand chose sur les motivations profondes de cet acte gratuit.

Ca se passe ici : 09h09.blogspot.com C'est peut-être complétement stupide, c'est certainement inutile, c'est peut-être poétique. C'est ça qui est beau.

06 mai 2010

Quelques chiffres

On entend souvent qu'on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres. C'est vrai. Bien accomodés, présentés avec tout l'apparat de la vraisemblance, ils peuvent parfois faire passer l'illusion pour la vérité, et servir à convaincre un auditoire peu exigeant sur la qualité de la soupe qu'on lui sert.

Il n'empêche. Certains chiffres, même approximatifs, restent des faits, et peuvent servir de base à d'amères songeries pour peu qu'on s'y attarde un peu. 


C'est ce que je me suis dit l'autre jour, en me livrant à quelques rapprochements dérangeants. Je vous les livre sans commentaires, à vous d'en tirer les conclusions que vous voudrez.

Premier cas : si votre vieille maman meurt à l'hôpital, après avoir passé 7 ans dans le coma suite à une erreur médicale, il est possible que l'on vous envoie la facture : 100 000 €. (voir ici et ici)

Pour rappel, un président de la République touche, depuis 2007, 228 000 € (bruts) par an. (voir ici et ici) De quoi largement financer 2 comas pendant 15 ans.


Second cas : il y aurait, selon les sources, entre 400 et 2000 femmes "intégralement" voilées. Au secours, la République est en danger, décrétons la mobilisation générale et votons des lois pour empêcher cette abomination (à tant faire, allez donc voir ici, puis , et encore ici, de l'intelligence made in Eolas)

Pour rappel, il y aurait 47 500 femmes battues en France. 1 sur 10. Une femme meurt sous les coups tous les trois jours. La République n'est pas menacée, ceci relève du domaine privé, voilons-nous intégralement la face, tout va bien.


Troisième cas : s'essuyer les fesses avec un drapeau, ça revient beaucoup plus cher que rouler bourré...

Pour rappel, 4262 personnes ont trouvé la mort sur la route en 2009. Mais la protection du drapeau est sans doute plus urgente que celle des citoyens qu'il symbolise.

04 mai 2010

Actualité de Victor Hugo

Je viens de lire L'archipel de la Manche, longue digression semi-poétique qui sert de prologue aux Travailleurs de la mer ;  je trouve ce passage (Chapitre XVIII : Compatibilité des extrêmes) particulièrement intemporel et adapté à toutes les époques :

Arrivez, vivez, existez. Allez où vous voudrez, faites ce que vous voudrez, soyez qui vous voudrez. Nul n’a droit de savoir votre nom. Avez-vous un Dieu à vous ? prêchez-le. Avez-vous un drapeau à vous ? arborez-le. Où ? dans la rue. Il est blanc. Soit. II est bleu. Très bien. Il est rouge. Le rouge est une couleur. Vous plaît-il de dénoncer le gouvernement ? Montez sur la borne, et parlez. Voulez-vous vous associer publiquement ? Associez-vous. Combien ? Tant que vous voudrez. Quelle limite ? Nulle limite. Avez-vous envie d’assembler le peuple ? Faites. En quel lieu ? Dans la place publique. J’attaquerai la royauté ? Cela ne nous regarde pas. Je veux afficher ? Voilà les murailles. Pensez, parlez, écrivez, imprimez, haranguez, c’est votre affaire. Tout entendre et tout lire, d’un côté, cela implique, de l’autre, tout dire et tout écrire. Donc franchise absolue de parole et de presse. Est imprimeur qui veut, est apôtre qui veut, est pontife qui peut. Il ne tient qu’à vous d’être pape. Vous n’avez pour cela qu’à inventer une religion. Imaginez une nouvelle forme de Dieu dont vous vous ferez le prophète. Personne n’a rien à y voir. Au besoin les policemen vous aident. D’entrave point. Toute liberté ; spectacle grandiose. On discute la chose jugée. De même qu’on sermonne le prêtre, on juge le juge. Les journaux impriment : « Hier la cour a rendu un arrêt inique. » L’erreur judiciaire possible n’a droit, chose étonnante, à aucun respect. La justice humaine est livrée aux contestations comme la révélation céleste. L’indépendance individuelle irait difficilement plus loin. Chacun est son propre souverain, non de par la loi, mais de par les mœurs. Souveraineté si entière et si mêlée à la vie qu’on ne la sent, pour ainsi dire, plus. Le droit est devenu respirable ; il est incolore, inaperçu et nécessaire comme l’air. En même temps, on est « loyal ». Ce sont des citoyens qui ont la vanité d’être sujets.