17 décembre 2011

15 décembre 2011

Réunion tirée par les cheveux

C'est une réunion comme tant d'autres. Vous arrivez en retard, mais ce n'est pas grave, la réunion n'a pas commencée. Un collègue "qui s'y connait" est venu d'un bureau voisin pour donner un coup de main à la mise en route du dispositif de visioconférence. D'ailleurs il s'en va déjà, en prodiguant au passage quelques conseils d'utilisation qui ne seront pas écoutés, les trois minutes suivantes s'émaillant de "faites passer le micro", et autres "attendez, je tourne la caméra" auxquels répondent invariablement les "non, non, on vous entend très bien, c'est bon", l'ensemble apportant un souffle de distraction bienvenue dans une ambiance d'emblée morose.

Un responsable se lance dans une longue introduction lénifiante. D'un coup, il vous semble que vous êtes là depuis plusieurs heures. Un bref désespoir vous envahit à la pensée que cela ne fait que commencer. Vous lui trouvez de vagues airs de Rocard, mais un Rocard qui aurait appris l'élocution, ce qui n'enlève cependant rien au pouvoir soporifique de sa voix. Des mots surnagent au milieu de cette mélopée incantatoire : services, décret, périmètre, plan d'actions, principes directeurs...

Vous reportez votre attention défaillante sur l'auditoire, observant leurs attitudes en tentant d'en déduire leur niveau d'attention.  Il y a ceux qui grattent des kilomètres, pour ne pas perdre une miette du pontifiant discours - à moins que ce ne soit pour se donner une contenance. Il y a ceux qui fixent ardemment un point de mur ou de plafond comme si les mots de l'augure en cravate allaient s'y afficher par magie. Il y a enfin ceux qui, menton dans la main et sourcils froncés, prennent l'air concentré et pénétré de celui qui n'y comprend goutte mais ne veut pas que ça se sache. Vous voilà fixé : sur la vingtaine de personnes présentes, quatre ou cinq, tout au plus, participent vraiment à la discussion, les autres se contentant de meubler leur ennui.

Ainsi rassuré sur la marche normale des choses, vous vous mettez à divaguer sur la composition de l'assistance. Les personnes qui la composent, la façon dont elles sont habillées, leurs fautes de goût. Le type aux cheveux longs par exemple. C'est remarquable de s'entêter ainsi dans son erreur. Il a bien du se trouver, un jour, quelqu'un de charitable pour lui dire que ça ne lui allait pas du tout. Vous envisagez deux hypothèses pour justifier son look désastreux : soit il les garde tels parce que il trouve ça beau, soit il refuse de s'en départir au vu du temps qu'il a mis pour obtenir cette longueur. Vous décidez aussitôt de l’appeler Antoine.


Vous vous avisez aussitôt que ça ne va pas beaucoup mieux du côté des femmes. Vous n'aviez jamais vu un tel rassemblement de victimes de cette teinte auburn à la mode depuis quelques années, capable de donner un air vulgaire aux plus jolies filles : pas moins de six des femmes présentes à cette réunion arborent cette teinte, à différents degrés, du léger reflet setter irlandais, jusqu'au roux éclatant à la Bree Van de Kampf ; les 4 autres ont une teinture blonde, avec les racines noires bien visibles. C'est le règne du factice et de la duplicité : personne n'est ce qu'il semble être, tout le monde se camoufle, personne n'écoute.

Heureusement, la chose touche à sa fin. Tout le monde se lève fort satisfait, qui de sa prestation, qui de pouvoir enfin bouger. Le maître de cérémonie est déjà partie depuis un moment, ses responsabilités l'appelant ailleurs. Il vous semble vous souvenir en vous levant à votre tour qu'il était chauve, ce qui n'est pas le moindre des atouts pour couper les cheveux en quatre.

05 décembre 2011

Le goût du quignon

Le bouquinovore -dont le blog fait partie de mes belles découvertes de l'année 2011, je voulais faire un article là dessus mais n'en ai pas eu le temps- publiait ce matin un court billet où il s'interroge, à la manière de Marcel Pagnol dans ses souvenirs d'enfance, sur son goût pour les mots,ceux que l'on aime plus pour leur sonnorité que pour leur sens.

Le sien, c'est capuchon.

D'autres aiment flanelle, tarabiscoté ou emberlificoter.

Moi c'est quignon. Il a le goût de l’extrémité ronde d'une baguette, de la toile cirée sur la table en bois, des verres duralex et des couteaux pradel inox. Je l'associe, je crois que je l'associerai toujours, à mon arrière-grand-mère. Est-ce parce qu'elle était la seule à employer ce terme ? Est-ce une association créée par le temps qui passe ? Je n'en saurais sans doute jamais rien.

Mais toujours le mot quignon évoquera en moi ce léger souvenir de l'enfance et des mots à la sonorité douce et familière.